• Tétanisé Dave se figea à mi-chemin entre son lit et sa kitchenette, se laissa tomber sur l'accoudoir de son vieux fauteuil:- Pourquoi?- Je ne peux rien te dire sans nous mettre tous les deux en danger.- Toi alors! Tu ne changeras donc jamais, tu m'as dit exactement la même chose lorsqu'on s'est séparés après la terminale. Qu'entends tu par là?Je ne trouvais rien à répondre et me détournai pour aller préparer un semblant de petit déjeuner. La cafetière en main je le sentis approcher dans mon dos:-T'es une sacrée tête de mule mais je t'aime bien, me murmura t il à l'oreille en me massant les cheveux.Il me força à lui faire face et s'agenouilla doucement à mes pieds:- Je ne suis ni un super-héros ni un prince charmant juste moi. Ce"moi" voudrait tout simplement t'aimer car il t'accepte toute entière, comme tu es...- Arrête! l'interrompis-je brusquement. Arrête avec tous ces bons sentiments! On est faits l'un pour l'autre cela est indéniable mais reviens sur terre: tu es dealer, je suis fille de flic. J'admets volontiers qu'il n'est pas impossible de dépasser ces contraintes sociales mais on ne vit pas dans un monde rose bonbon: pour ta gouverne mon père cherche déjà à me marier pour que je quitte enfin le giron familal. Il a toujours voulu maîtriser la moindre parcelle de mon existence...Se relevant il m'ouvrit les bras; étroitement blottie contre lui je sentis lentement exploser la carapace que j'avais érigée autour de mon coeur pour supporter le contre-coup de cette séparation forcée:- Aide moi... j'en ai assez de cette vie réglée colmme du papier à musique. Je veux être libre. Je veux t'aimer. Je veux vivre.Enfin débarrassée de mon cocon je suis passée de l'état de chenille à celui de papillon.Détendue et soulagée d'avoir finalement confié ce que j'ai sur le coeur à quelqu'un.Pourvu que cela dure. Des coups frappés à la porte; brutale la réalité nous rattrape au galop:- Ouvrez! Emilie, je sais que tu es là!Mon père. Je réfléchis à toute vitesse mais ne trouve aucune diversion valable.- Va te cacher sur le balcon! siffla Dave en me poussant vers la fenêtre.
    Je déboule sur la minuscule terrasse. Un coup d'oeil en contrebas et j'apercois l'essaim de voitures de police des renforts mobilisés garées en double file sur le boulevard toutes sirènes hurlantes.
    Lorsque je remarque que l'un des collègues de mon père regarde vaguement vers le balcon je bats aussitôt en retraite mais trop tard: il m'a repérée son talkie walkie collé à l'oreille.
    En désespoir de cause je lui fais signe de raccrocher mais il secoue vivement la tête en remuant silencieusement les lèvres. Je suis incapable de voir d'ici ce qu'il articule mais je devine aisément ses intentions:" Maintenant tu ne peux plus échapper à ton destin".
    Piégée je me retourne vers la porte-fenêtre restée entrouverte prête à affronter mon père quand je vois Dave me regarder avec tristesse campé sur le pas de la porte la main posée sur la poignée:
    - Là où on s'aime il ne fait jamais nuit, chuchota t il pour que je sois la seule à l'entendre.
    Alors il déverouilla la chaîne et tourna la poignée:
    -Ne fais pas ça, ou tu vas le regretter! l'exhortai-je.
    Au lieu de suivre mes conseils il me tourna le dos et ouvrit. Aussitôt il fut encerclé et mon père le menotta solidement:
    - DAVID!! hurlais je en bondissant en avant les bras tendus.
    Mon père fit signe à l'un de ses sbires qui parvint difficilement à me maîtriser.
    J'eus à peine le temps de remarquer qu'il portait une blouse blanche avant de perdre connaissance.


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  • Dave cligna des yeux aveuglé par la lumière qui se déversait à flots sur le clic-clac où il était allongé. Peinant à émerger il voulut se lever pour se préparer un café et un Doliprane mais une main sortie de nulle part lui saisit le poignet et le repoussa doucement au fond du lit de camp:- Du calme David. Rendors-toi donc. Grand-mère m'a mise au courant pour tes insomnies. Ce n'est pas d'excitants dont tu as besoin mais de sommeil, espèce de crétin.Eperdu, Dave chercha d'où provenait cette voix se répercutant autour de lui à l'infini accompagnée d'un bip bip incessant. N'ayant pas encore recouvré une vision nette il parvint néammoins à distinguer les contours vagues d'un fauteuil roulant dans lequel une jeune femme était assise, ses cheveux auburn relevés en une simple tresse d'où quelques méches folles teintées de reflets roux s'échappaient. Toutefois plongée dans l'un des nombreux magazines de psychologie entassés un peu partout à travers le studio elle le couvait d'un regard tendre et attentionné qui ne laissa plus l'ombre d'un doute au jeune homme sur son identité: il peina encore à y croire pourtant c'était bien elle. Ellie s'interrompit dans sa lecture. Tant pis elle ne savait pas comment lui annonçer autrement mais il fallait qu'il sache:- Je suis venue pour t'annonçer notre séparation David.Au regard à la fois désespéré et fiévreux qu'il posa sur elle, Ellie comprit un peu trop tard à quel point elle l'avait blessé. Mais ce qui est fait est fait; et on ne peut rien y changer malheureusement. On était à la mi-janvier: il faisait doux pourtant un vent glacé s'engouffra en faisant claquer les battants de la fenêtre qu'à son arrivée elle avait entrouverte pour aérer. ---
     *Note: Citation de Leah Goldberg extraite de De ma vieille maison.

     


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  • Puis tout d'un coup le monde parut se dissoudre et Dave se sentit tomber à travers une sorte de clair-obscur chatoyant. En proie à une terreur confinant à la névrose il cria et se réveilla en sursaut, couvert de sueur. Encore ensommeillé il pressa la touche snooze de son radio-réveil et étouffa un juron en constatant qu'il était seulement une heure du matin. Huit jours avaient passé. Et chaque nuit, de manière récurrente, toujours ce même cauchemar qui le laissait éveillé jusqu'au petit matin errant sans but tel un zombie.Il avait bien tenté d'en trouver une interprétation en se plongeant dans l'Introduction à la psychanalyse de Freud mais cela s'était rapidement soldé par un échec la psychologie étant science plus complexe qu'il se l'imaginait. Néanmoins il refusa de s'avouer vaincu et préfera se rabattre sur des revues de vulgarisation bien qu'elles étaient censées être accesssibles au plus grand nombre, la plupart le laissaient endormi dans son fauteuil jusqu'à pas d'heure tant il les trouvait assommantes. Au fond de lui il savait que ce combat était vain. Il n'en était pas certain mais ne voulait pas non plus se faire d'illusions: à moins d'un miracle on ne peut survivre à une balle prise en pleine poitrine. D'autre part l'idée d'être probablement le seul responsable de la mort d'Emilie ne cesssait de le tarauder. Las il se leva pour se servir un café  mais lorsqu'il saisit le bol rempli du liquide brun celui-ci se brisa tout à coup entre ses doigts. Il se souvint alors que cela annonçait un mauvais présage mais étant peu superstitieux n'y prêta pas vraiment attention.Il se contenta d'éponger les dégâts, se servit à la place une bière et requinqué attrapa la pile de journeaux empilés au pied de son fauteuil, une lampe de lecture et la télécommande de sa chaîne hi-fi. Confortablement installé il se lança alors dans la lecture du dernier numéro de Psycho magazine et mit en fond un cd où il avait gravé pêle-mêle des symphonies de Mozart, Bach, Brahms et Beethoven. Il veillait pourtant à ne réveiller personne avec mais la plupart de ses voisins avaient maintes fois porté plainte pour tapage nocturne.Toutefois chacune des procédures avait tourné court: en effet la police avait estimé après être venue sur le terrain qu'il était relativement grotesque de se plaindre d'un mélomane qui écoutait en lisant du classique à un volume tout à fait correct.Pourtant Dave ne tarda pas à entendre des bruits de pas précipités dévaler la cage d'escalier et alla ouvrir, exaspéré:
    - Non mais ça ne finira jamais ce cirque? C'est moi qui vais aller porter plainte si ça continue.
    Sa voisine du dessus, une quinquagénaire depuis peu à la retraite, vitupéra:
    - Ca existe de nos jours les casques stéreo mon cher David. Soit vous vous en procurez un soit vous déménagez! Je ne vois pas d'autre solution... A propos pourquoi veillez vous à des heures pareilles?
    - Insomnies à répétition depuis une semaine.
    - Consultez un spécialiste alors. Ca ne peut plus durer. Bonsoir.
    - C'est ça... Allez vous faire foutre. C'est pas vous qui avez vu un proche mourir sous vos yeux.- Si j'avais su... Sincèrement désolée de vous avoir dérangé. Moi aussi j'ai perdu quelqu'un récemment. Ma petite-flle. Elle s'appelait Emilie. Neanmoins les médecins ne sont pas encore formels car elle ne serait encore qu'en état de mort clinique plongée dans un coma profond. Vous vous sentez mal David? Répondez!Elle le rattrapa de justesse et porta le jeune homme évanoui jusqu'au clic-clac qui traînait au fond du studio:
    - Répondez!
    __________
    A SUIVRE...


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  • Le moral à zéro, Dave entra dans le premier café venu et se commanda un cappucino qu'il sirotait, assis au bar, perdu dans ses réflexions lorsqu'une main s'abattit d'un seul coup sur son épaule: 
    - Salut mec j'en aurais mis du temps mais je t'ai retrouvé finalement! 
    Brusquement ramené à la réalité l'intéréssé sursauta et se retourna d'un bloc: derrière lui se tenait un homme affublé d'une paire de Rayban rutilante et d'un blouson cuir noir d'encre Gucci qu'il reconnut instantanément: 
    - Attends une minute Mike. Ca fait huit ans que j'ai quitté la bande une bonne fois pour toutes en t'ayant bien prévenu que ma décision était irrévocable. La preuve en est que je suis largement passé à autre chose depuis ayant repris mes études de médecine.- Comme tu voudras mais sache qu'il n'est pas aussi facile que tu sembles le croire de tirer un trait définitif sur son passé de dealer: cela exige de faire quelques concessions et notamment accepter de sacrifier des amis dont la mort est imminente et ... inéluctable. S'échiner à vouloir les sauver alors que le combat est perdu d'avance puisqu'en réalité c'est une lutte contre la mort elle-même est vraiment puéril et une perte de temps inutile: car, comme tout un chacun, tu devrais savoir que faire une overdose ne laisse pratiquement aucune chance de survie à moins d'un miracle. 
    Mais t'as l'air de ne pas encore avoir compris ça; c'est dommage car moi et le reste de la bande si, et ce depuis que ta copine a failli mourir par notre faute ce fameux soir après la soirée chez Billy. Sur le moment, dans la panique générale, on était plus horrifiés qu'autre chose par l'ampleur prise par les événements mais après réflexion on a pris conscience que si elle était morte et que la police nous avait attrapès, on ne pourrait jamais avoir une vie normale puisque on aurait été condamnés à perpétuité sans possiblité de réduction de peine et on s'est dit que si dealer voulait dire prendre de tels risques, il valait mieux tout laisser tomber et passer à autre chose. 
    Donc ne compte pas sur nous pour t'aider à te tirer d'affaire si jamais les choses tournent mal: mais si tu tiens à fricoter avec de vrais dealers sans foi ni loi autrement dit le personnel de l'hôpital dans lequel ton amie à été admise c'est ton problème tu ne pourras pas te plaindre de ne pas avoir au moins été prévenu. 
    - Espèce de... de lâche! Et si c'était l'unique moyen de la sauver ? Tu crois peut-être que je fais ça simplement par plaisir crétin ?!? 
    Mike voulut protester mais n'ayant pas terminé Dave reprit en reposant violemment sa tasse sur le comptoir et se levant à moitié: 
    - J'aime Ellie et toi et les autres le savez mieux que personne. Et c'est bien simple: si dans trois jours elle devait mourir à cause de moi qui n'aurais pas eu le courage de tout risquer pour sa survie je ne pourrais me le pardonner. C'est une promesse que l'on s'est faite au lycée après que je me sois fait brutalement agresser par des voyous qu'elle a réussi à tenir en respect afin de me protéger: nous nous sommes juré que si l'un venait à être dans le pétrin ou en danger de mort, l'autre aurait le devoir de lui venir en aide de quelque façon que ce soit et à n'importe quel prix. Et n'ayant jamais pu lui rendre la pareille après cet incident, je me vois obligé de saisir l'opportunité qui m'est offerte aujourd'hui de remplir ma part du contrat  et puis adviendra que poura de toute façon. 
    - Bien, vu comment tu as l'air d'être déterminé, fais le mais avant sache une chose: tu cours à une perte certaine car Ellie ne va pas mourir à cause d'une nouvelle sorte de drogue qui lui a été injectée par intraveineuse comme te l'a expliqué la réceptionniste: en réalité les médecins se servent d'elle comme cobaye pour tester un tout nouveau type de médicament contre les effets de la radioactivité pratiquement jamais testé auparavant même sur des animaux et dont une surdose de certains de ses composants chimiques pourrait se révéler non seulement mortelle mais aussi dévastatrice.   -Ils vont m'entendre ces s... ! jura Dave.Il posa le montant de son addition à côté de sa tasse et s'apprêtait à sortir quand la porte du café s'ouvrit une nouvelle fois.


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  • Dave courut comme il ne l'avait jamais fait de sa vie et déboula telle une furie dans l'hôpital s'atirant maints regards courroucés voire scandalisés de plusieurs infirmières. Les ignorant superbement, il piqua un sprint jusqu'à la réception:- Est... ce que... la nuit dernière... vous avez... admis... une certaine...Emilie Rockwell? croassa- t- il essouflé et haletant.La chargée d'accueil haussa un sourcil:- Répétez moi ça doucement, j'ai rien compris.- EST CE QU'HIER SOIR VOUS AVEZ ADMIS UNE CERTAINE EMILIE ROCKWELL? cria- t - il.-Voyons voir... Oui, en effet chambre 111. Mais faut que je vous prévienne. ici les chambres 110 à 120 sont les seules où ne sont autorisées les visites car stérilisées.Cela fit à Dave l'effet d'un coup dans l'estomac:- "Stérilisées"? Qu'est ce que vous entendez par là?- Les malades qui sont admis là-bas sont ceux dont l'état est le plus alarmant. Grosso modo, ceux dont les jours sont largement en danger- Je vois, fit le jeune homme dans un filet de voix les larmes aux yeux. Mais alors dans ce cas... comment va-t-elle? Ya-t-il un mince espoir qu'elle s'en sorte?- Soyons honnêtes. non, à moins d'un miracle. Or, malheureusement pour vous, en médecine les miracles n'existent pas. Néammoins j'ai une proposition à vous faire; et si vous voulez qu'elle s'en sorte c'est la seule alternative possible. Trois jours. C'est le temps qu'il lui reste à vivre: d'ici là, retrouvez les malfrats qui lui ont apparemment injecté dans les veines une drogue de genre tout à fait inconnue qui se révèle toxique voire mortelle puisqu'elle peut déclencher son action à n'importe quel moment et tuer votre amie sur le coup en une milliseconde à peine. Et que ces monstres vous en donnent l'antidote qu'ils ont dû fabriquer au cas où cela serait nécesaire lors de sa conception. Autrement dit, ne restez pas planté là car vous n'avez pas une milliseconde à perdre si j'ose dire. Allez du vent !Vous n'êtes pas le seul à attendre que je sache jeune homme.Dave acquiesca mollement, maussade, et s'éloigna à pas lents repartant par où il était venu


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