• Emilie Rockwell

    Nom: Rockwell  
    Prénom: Emilie  
    Surnom: Ellie  
    Age: 20 ans

    David Greenwich

    Nom: Greenwich
    Prénom: David
    Surnom: Dave
    Age: 20 ans
    Personnalité: Bipolaire il s'emporte facilement en réagissant à ce qui lui arrive avec passion et de manière excessive la plupart du temps. Poète dans l'âme il est perpétuellement en quête d'absolu. En rupture avec le système universitaire c'est un autodidacte qui se refuse à penser au lendemain
    Physique: à la fois effeminé et de carrure solide.
    Histoire: Dealer malgré lui et renvoyé du lycée justement pour avoir été impliqué dans l'organisation d'un trafic codirigé par ses copains il est tout le contraire d'Emilie à qui tout paraît réussir.
    Fou amoureux d'elle il fait tout pour saboter l'affaire de ses copains qui se font un plaisir de vendre de la coke afin d'en dilapider immédiatemment les recettes dans les boîtes et les bars populaires du coin. Ce qui n'est pas du goût des intéressés qui vont le piéger pour l'obliger à rembourser la drogue qu'il n'a volontairement pas revendue, en toute connaissance de cause.
    C'est sans compter sur Emilie qui, ayant deviné les intentions de leurs anciens collègues, lui sauve la vie au péril de la sienne cependant.
    Dès lors qu'ils se retrouvent Dave se sent prêt à tout pour la protéger. Mais jusqu'où ira t il?

     

     


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  • Le soir même j'avais repris une vie normale, enfin "normale" comme la plupart des gens concevaient la normalité. Croyais retrouver ma liberté ma majorité arrivée, or vaste désillusion: ma famille d'accueil allait en effet m'avoir à charge jusqu'à mes vingt et un ans.
    Maussade, j'acquiesçai sans réfléchir à toutes les règles de vie commune qu'ils m'imposèrent; une douleur indéfinissable enserrait ma poitrine et je ne pouvais rien y faire mis à part la supporter le temps qu'elle s'estompe d'elle-même.
    Allongée dans le noir  je ne fermai pas l'oeil de la nuit: me mis à compter les heures s'étirant aussi lentement que des chewing-gum, sans la voir disparaître.
    A l'aube je n'y tins plus. J'empaquetai soigneusement mes quelques fringues et mon nécessaire de toilette aussi discrètement que possible. Sans un regard en arrière, pour la première fois de ma vie, je fuguai.
     
    A mesure que je progressai vers la seule station de métro encore en service du quartier la douleur dans ma poitrine s'intensifia, devint si insupportable que je dus m'arrêter un moment, adossée à un pan de mur décrépi, le temps de reprendre ma respiration.
    Affaiblie, me glissai à l'abri d'un hall d'immeuble abandonné afin de m'assoupir quelques heures emmitouflée étroitement dans une vieille doudoune trouvée par hasard sur la rampe de la cage d'escalier.
    Avant que je ne tombe de sommeil, mes yeux notèrent un mystérieux graffiti affublé d'une flèche dirigée vers la cage d'escalier tordue en colimaçon vers le toit vitré de l'édifice: "Bienvenue au Radeau de la Méduse !"
     
    - Luna!
    Une forêt foisonnante de curiosités.
    Clairière ensoleillée.
    Des enfants souriants et pleins de vie.
    Crème glacée parfum kiwi.
    - LUNA!! Hé ho tu m'entends?
    Je m'agitai dans mon sommeil, indifférente à la voix qui me hélait.
    Une piscine décorée de petits fantômes copinant avec des lunes rieuses.
    Insouciance, innocence heureuse
    Des bras amicaux m'entourèrent pour m'exhorter à réintégrer la réalité:
    - Mon coeur, reviens à toi je t'en prie!
    Je m'éveillai en sursaut. Ca faisait des années que plus personne ne m'avait appelée "mon coeur".
    A cause de ma vision encore trouble je ne percevais que des formes, des couleurs.
    Marron glacé pareil à la coque d'une châtaigne un soir de grand froid.
    Vert de gris semblable aux plus belles lagunes.
    Dès lors que j'eus les yeux en face des trous je distinguai le visage doux et inquiet presque diaphane de Phantom.
    Alors je pris conscience que la douleur nichée au creux de ma poitrine commençait à s'évaporer, avant de disparaître par la porte de mon coeur.

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  • Un mois plus  tard :
     
    Plus jamais ca ! Je croyais déjà toucher le fond en vivant en foyer mais la prison est bien pire.
    Je dors mal, régulièrement réveillée en pleine nuit par l’alarme qui sonne à tue-tête au moindre mouvement suspect. Sachant que la plupart des codétenus est soit insomniaque soit somnambule voire les deux, c’est du grand n’importe quoi.
    Pour moi qui ai besoin d’une bonne nuit de sommeil pour récupérer suffisamment, impossible de ne pas avoir une horloge biologique détraquée.
    Conséquemment je pense avoir développé un début de narcolepsie.
    Quelle vie !
    Mais j’évite de ressasser tout ca car on m’a libérée il y a une heure et je compte bien repartir du bon pied : impossible de refaire le passé donc je compte me prendre en main pour construire mon avenir comme une grande, pour une fois.
    Je ne me fais pas d’illusion au sujet de Phantom : débrouillard comme il est, il a du s’en sortir pour partir vivre loin de Paris avec Clara.
    Malgré tout j’ai un pincement au cœur : avant que la police nous déloge, je me sentais bien auprès de lui. Je commençais à mieux supporter ma condition de jeune sans abri lorsqu’on avait finalement réussi à cohabiter ensemble. Ce n’est pas d’argent dont j’ai besoin mais d’amour.
    Assise devant un cappuccino insipide dans un petit restoroute situé aux abords de la prison je guette l’arrivée de ma famille d’accueil qui doit venir me chercher d’une minute à l’autre.
    On m’a dit que c’est la mère qui vient me récupérer. Entre deux âges elle est brune aux yeux bruns. Rien de plus commun.
    Comme si pour les trois ans à venir ma mission serait de rentrer dans le moule afin de reprendre le cours d’une vie normale.
    Morose j’en suis là de mes réflexions quand soudain mon rythme cardiaque accélère à la vue de mon bien aimé.
    En queue de file il s’impatiente le regard dans le vide comme à son habitude. Peut être n'est ce que le fruit de mon imagination mais l’espace d’un instant j’ai l’impression que ses yeux ont croisé les miens. Et s’il ne m’avait pas reconnue ?
    Je me sens conne enroulée dans mes vieilles fripes du Secours Populaire.
    Pour lui je ne dois plus être que l’ombre de moi-même ; je dois en avoir le cœur net :
    - Phantom… appelais-je suffisamment fort pour faire en sorte que lui seul m’entende.
    Son visage est impassible, il n’esquisse même pas un sourire
    Je tente une nouvelle approche en allant me camper face à lui :
    - Phantom ! Tu vas continuer encore longtemps à me faire croire que je n’existe pas pour toi ?
    - Exactement, tu n’essaies pas de t’en sortir. Si tu essaies de vivre perpétuellement aux crochets des autres tu cours droit contre le mur. Pour vivre comme tu le choisis il faut interagir avec l’autre mais avant tout compter sur toi-même et tes capacités. Plus précisément il faut cultiver tes talents pour les faire fructifier : ils t’aideront à construire ton avenir comme tu l’entends.
    A ce propos, tu ne m’avais pas dit que tu tenais un blog littéraire ! Tes textes sont vraiment sympas et agréables à lire.
    - Ah bon ? J’avais peur que les gens du foyer se moquent de moi à cause de la naïveté de certains de mes poèmes donc je leur en cachais l’existence.
    - Ce n’est pas parce que tu t’y inventes une meilleure vie, heureuse et insouciante que tes textes seront forcément jugés naïfs.
    J’acquiesçai tout en sachant au fond de moi que si l’un ou l’une de mes camarades avaient découvert le pot aux roses ils l’auraient utilisé comme énième motif pour se moquer de moi en me tournant au ridicule.
    Phantom a repris ses airs de grand-frère compréhensif toutefois je me méfie : mon intuition me dit qu’il essaie de m’embobiner avec ses belles paroles afin de mieux me manipuler.
    D’ailleurs je me souviens de ses manières de goujat le jour de notre première rencontre lorsqu’il m’a dit en guise de bonjour : » Je t’ai juste défendue pour pas perdre la face devant mon ex » : est t il aussi sincère qu’il le laisse paraître ?
    Pourtant une force invisible m’attire irrésistiblement vers lui
    Ce n’est ni de l’amour.
    Ni de l’envie.
    Je ne sais pas quoi en penser.

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  • - Tout le monde me surnomme Ghost parce que je suis assez solitaire. En réalité mon nom complet c’est Luna Farewell. Et toi ?
    - Phantom.
    Je devais y comprendre qu’il n’engagerait pas plus la conversation alors je me lançai dans la lecture du 20 minutes du matin qui dépassait d’un bac à journaux avachi contre le mur. Dissimulée derrière la page Horoscope j’observai mon nouveau camarade de galère à la dérobée. Châtain glacé, aux yeux vert de gris, il était d’une maigreur impressionnante mais pas au point d’être squelettique dirais plutôt qu’il ressemble à une asperge ambulante.
    Le regard dans le vide, il astique distraitement son instrument d’une main l’autre fouillant sa besace en quête d’un chapeau quelconque sans doute pour faire la manche. Il ne me décoche pas le moindre regard.
    Tant pis si la question paraît débile :
    - T’es à quel lycée ? Pour ma part je fais des pieds et des mains depuis l’année dernière pour décrocher un stage de coiffeuse-esthéticienne, et toi ?
    - Viens de passer le bac. Cherchais à aller en fac cette année mais c’est râpé.
    - Pourquoi tu ne retournes pas vivre chez tes parents ?
    - De quoi tu te mêles ? Contente toi de lire le 20 minutes et laisse moi tranquille.
    Décidément il est buté. Il ferait mieux de se rabibocher avec Clara. Au moins pourraient-ils s’arranger de quelque façon que ce soit pour vivre en colocation dans une cité U. Pour ma part je n’aurais plus à supporter sa mauvaise humeur.
    La douce mélodie de Like A Hobo me tire de mes réflexions. Je tourne la tête : Phantom est adossé nonchalamment contre le mur, son harmonica volant le long de ses lèvres au gré des multiples harmonies de la chanson.
    Malgré mes griefs contre son caractère d’ours, je dois lui reconnaître une indéniable sensualité : il est tout comme un oiseau prêt à s’envoler de la monotonie grisâtre des gares parisiennes.
    Je me sens à peu près dans le même état mais avec du plomb dans l’aile. Contrairement à lui je n’ai personne sur qui compter.
    Je le sens m’échapper inexorablement, minute par minute.
    Une larme roule le long de ma joue avant de s’écraser contre la paroi plus très imperméable de mon duvet.
    Mon cœur bat à plein régime.
    Alors que je prends de plus en plus plaisir à l’entendre jouer.
    Soudain le silence revient au galop : pourquoi ?
    En fait il me tend son instrument :
    - Tant qu’à faire si on galère ensemble, soyons solidaires.
    Je suppose qu’il se moque de moi. Ca se voit que je ne suis pas musicienne sinon je me serais essayée à l’accompagner au chant tout à l’heure.
    Ce que je connais en musique se résume à la gamme de base do ré mi fa sol la si do et puis basta jamais été motivée pour me mettre au moindre instrument.
    A chacun son truc. D’ailleurs je viens d’avoir une idée : et si j’achetais un jeu de tarot ? N’importe qui peut se prétendre astrologue ou médium de nos jours.
    Première étape, rassembler rapidement plus de trente centimes. Deuxième étape, dénicher un magasin qui vend ce genre de jeu. Troisième étape (si j’y parviens) savoir suffisamment jouer la comédie pour me donner des airs de voyante.
    Mon principal problème en l’état actuel des choses c’est de trouver les finances. Et une seule solution : va falloir voler. Ca ne me fait pas peur mais je vais définitivement perdre l’estime de Phantom. Tiraillée, je me glisse hors de mes couvertures, tente discrètement de m’éclipser alors qu’il a le nez dans sa besace à la recherche de quelque argent, en toute évidence pour s’acheter à manger.
    D’ailleurs c’est pourquoi mon plan finit par tomber à l’eau puisqu’il se met à me suivre. Refusant de céder à la panique j’essaie de réprimer une pointe d’angoisse qui me traverse lorsque je prends conscience que le coup du « j’ai une soudaine envie de sandwich » est sans doute un prétexte pour me surveiller de près. J’espère qu’il ne lit pas dans mes intentions comme dans un livre ouvert.
    Gênée je me réfugie dans le premier photomaton à ma portée. A travers le rideau je le vois scruter les environs puis s’en aller. Bingo, il m’a démasquée. Je jette un coup d’œil dans le corridor : plus personne la voie est libre. Je m’engage prudemment vers le kiosque à journaux situé juste à proximité de ma cachette improvisée. Le buraliste me dévisage d’un œil soupçonneux alors que je feuillette en diagonale le rayon magazines féminins à la recherche de ceux autour de l’astrologie. A mon grand dam il n’y en a aucun. Je m’apprête à repartir quand j’aperçois un jeu de tarot dépasser du présentoir où se pavanent les magazines de mode – que je considère comme un luxe de riches pour le prix des produits et des vêtements dont ils vantent respectivement les bienfaits et la qualité.
    Bref, je glisse subrepticement le jeu dans ma poche et repars par où je suis venue, l’air de rien même si je n’en mène pas large.
    Alors que je rallie le hall au pas de course, j’ai à nouveau l’impression d’être suivie. Je voudrais accélérer mais quelqu’un m’attrape par l’épaule me faisant trébucher :
    - LACHEZ MOI ! AU SECOURS ! QUELQU’UN !
    - Hé du calme, ce n’est que moi !
    Je fais volte-face. Phantom. Deux sandwichs à la main il me regarde avec stupéfaction :
    - Tu fais une piètre voleuse ma vieille. Crier aussi fort équivaut à te dénoncer illico.
    C’est quoi ce revirement de situation ? Il y a cinq minutes il m’accordait à peine un regard et à présent il se comporte comme le grand frère que je n’ai jamais eu. Bizarre mais pas désagréable vu le temps qu’on va passer ensemble.
    Il m’explique le pourquoi du comment alors que nous nous dirigeons ensemble vers le hall :
    - Ce n’est pas la première fois que je me retrouve à la rue. Lorsque mes parents ont demandé mon émancipation l’année de mes 16 ans je n’avais nulle part où aller. Donc je continuais à aller au lycée mais quand je rentrais le soir c’était dans le meilleur des cas dans un centre d’accueil pour jeunes sans abris et la plupart du temps au fin fond de la station de métro la plus proche. Heureusement je n’étais pas mis à l’écart car mes amis me soutenaient en récupérant du rab au self qu’ils me faisaient passer en cachette et me donnaient de vieilles fringues qu’ils ne mettaient plus mais qui restaient tout à fait acceptables. C’est durant cette période que j’ai pris conscience de l’importance de l’autre. Lorsqu’on vit dans la rue il ne faut absolument pas rester isolé sinon on se laisse trop aller.
    Avoir vécu à l’abri d’un foyer durant toute ton adolescence a dû être confortable mais ne t’a pas poussée à apprendre comment vivre par toi-même, n’est ce pas ?
    - Au contraire c’est un univers plus dur que la rue car tu ne peux rien obtenir si tu ne décides pas à voler voire à dealer. Le moindre passe-droit, la moindre cigarette, le moindre temps libre s’achetait soit en trafiquant soit en travaillant comme un larbin. Inutile de dire que j’entrais davantage dans cette seconde catégorie vu le mal que j’avais pour me défendre.
    Etonnant, je ne me suis jamais autant confiée à quelqu’un excepté la psy du foyer.
    Peut être parce que Phantom est le premier à me comprendre sans me juger.
    Comme un grand frère.
    Nos mains se cherchent.
    Effleurement aussi léger qu’une plume.
    Nos doigts s’enlacent.
    Amitié naissante.
    Nos regards se croisent.
    Je suis amoureuse.
     
    Un bruit de talkie-walkie nous fait brutalement revenir à la réalité : le bad, c’est les flics :
    - Vous avez vos papiers ? s’enquit narquoisement l’un d’eux.
    Phantom sort les siens quant à moi je montre mes poches vides ça fait longtemps que les miens sont périmés.
    Phantom est invité à se rendre dans le centre le plus proche, moi je me vois embarquée pour une nuit en garde à vue.
    Je perds le contrôle, explose de l’intérieur. Mes larmes coulent toutes seules : alors que je suis supposée avoir enfin  trouvé l’amour, celui-ci me file déjà entre les doigts, de plus en plus ténu à mesure que le fourgon m’emmène vers mon nouvel asile, un vieux commissariat même pas aux normes vu l’état des locaux.
    On me fourre dans une cellule à moitié délabrée où je dois attendre qu’on vienne m’interroger.
    J’ai le dos en compote, la gorge sèche, l’estomac au bord des lèvres mais je tiens le coup en espérant sans vraiment y croire d’être placée dans le même centre d’accueil où Phantom s’est installé. De toute façon ils ne peuvent pas faire autrement c’est le seul centre de l’arrondissement.
    Malheureusement l’interrogatoire se passe mal.
    Ils me fouillent et retrouvent de la cocaïne dont j’ai stupidement oublié de me débarrasser à la sortie du foyer en me disant que je pourrais la revendre le cas échéant.
    Comme je n’osais pas dealer du temps où je vivais là bas je m’étais vite retrouvée avec une bonne dizaine de sachets sur les bras.
    Ensuite ils me questionnent sur mon contexte familial. Je suis bien obligée de leur avouer que j’ai vécu six ans en foyer parce que ma mère m’a confiée à la DASS le jour de mes douze ans pour me protéger des accès de violence de mon père qui refusait de divorcer.
    Ce jour là ils nous avaient perdues moi et leur autorité parentale vu la mauvaise tournure qu’avait prise leur énième dispute.
    Enfin ils découvrent en voulant me ficher que mes papiers sont périmés depuis que j’ai quitté ma famille.
    Résultat, un mois ferme et placée en famille d’accueil jusqu’à mes vingt et un ans.
    Ca me donne envie de m’envoyer en l’air tant cette cellule sordide et la condescendance simulée de mes geôliers grignotent le peu d’espoir qu’il me reste de retrouver Phantom.
    Je préfère encore vivre à la rue plutôt que de rester une minute de plus dans ce que je soupçonne être ma future prison.

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  • Trois jours depuis que j’ai été renvoyée du foyer. Je me les pèle. Avec les derniers euros qui me restaient j’ai acheté une bouillote portative qui m’a réchauffée quelques heures avant de rendre l’âme. Plus un rond, me suis inscrite à la Soupe populaire mais avant d’avoir droit à un repas relativement correct, faut courir. La queue est interminable, y’a plus rien quand c’est enfin mon tour, marre de récupérer les fonds de bouillon aux légumes dont les autres ne veulent pas.
    J’ai pris mes quartiers dans un coin du hall de la gare Montparnasse, perdue au milieu de chutes de carton de chez Picard enfouie dans un vieux sac de couchage datant de mes premiers jours au foyer.
    Les yeux fermés par la fatigue, je fredonne doucement l’air de Hey Soul Sister lorsque j’entends au-dessus de moi des ricanements perçants :
    - Alors Ghost, tu vois ce que c’est de ne pas avoir de potes pour t’aider à trouver du boulot ? Tu te retrouves à la rue ! Bien fait, car tu peux plus faire marche arrière.
    Clara. Je rouvre les yeux, prête à lui sortir une répartie bien sentie mais comme d’habitude rien ne sort. Car suis pas du genre à me clasher avec les autres vu que je n’ai pas tant d’amis que ça pour me permettre d’être aussi susceptible :
    - Laisse tomber, tu ferais mieux de te casser. Tu survivras pas une semaine si t’apprends pas à te défendre. Avec condescendance elle me jette deux trois pièces de dix centimes et tourne les talons.
    Alors qu’elle parvient au niveau du panneau d’affichage, quelqu’un la saisit par l épaule et la force à lui faire face. Clara se dégage vivement :
    - Qu’est ce que tu fous là Phantom ? Croyais que tu devais aller visiter un appart cet aprèm.
    - Le proprio m’a appelé il y a cinq minutes pour me prévenir qu’il préférait louer à un groupe de colocataires. Donc je me retrouve sur le pavé.
    - Va voir ailleurs, y’a de la concurrence.
    - C’est quoi le problème ? Faudrait que tu prennes conscience que ce qui nous arrive, à moi et elle, puisse t’arriver également et ce d’un instant à l’autre.
    - Ca ne risque pas, j’ai encore ma fierté.
    Là je sens que c’en est trop pour mon sauveur, l’un des premiers à prendre concrètement ma défense vrillant son regard dans celui de Clara :
    - Peu importe ce qu’on laisse apparaître, notre richesse est à l’intérieur de nous même.
    - Arrête avec ta philosophie de Bisounours, elle n’aura aucun effet sur moi. Allons-nous-en.
    - Si tu veux partir je ne te retiens pas. Moi je reste.
    Pour appuyer son propos, il pose ses affaires à côté des miennes et sort un harmonica dont il entreprend quelques réparations.
    - Comme tu voudras, soupira Clara de guerre lasse.
    Hilare je la regarde battre en retraite et s’éclipser, vaincue. Soudain Phantom se tourne vers moi :
    - Je t’ai juste défendue pour ne pas perdre la face devant mon ex. Au fait comment tu t’appelles ?

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