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Chapter 1>> released on May 20th, 2012Chapter 2>> released on July 1st, 2012Chapter 3>> released on July 12th, 2012Chapter 4>> released on July 12th, 2012Chapter 5>> released on July 22th, 2012Chapter 6: released on September 1st, 2012To be continued at http://www.dystopian-symphony.kazeo.comYou'll find here new chapters, information about the story and a few interesting pictures ^^See you later!
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Chapitre 1>> paru le 29/01/12Chapitre 2>> paru le 3/06/12Chapitre 3>> paru le 7/06/12Chapitre 4>> paru le 28/07/12Chapitre 5>> paru le 31/07/12Chapitre 6>> paru le 5/08/12Chapitre 7: en phase de réflexion ...
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Samantha et Genma traversèrent l'Atlantique en moins d'une semaine d'abord à cause de leurs maigres provisions, ensuite xcar elles naviguaient à vive allure ne s'accordant que quelques siestes courtes toutes les trois ou quatre heures à tour de rôle. Elles manquèrent de dessaler à plusieurs reprises mais grâce à l'eexpérience de Genma elles en ressortirent à chaque fois indemnes. La proximité créée par leur cohabitation les aida à mieux se connaître: pour tromper le temps elles discutèrent de tout et de rien à propos du passé et de l'avenir puis de leurs vies respectives puis elles se plurent à imaginer à quoi pouvait bien ressembler Utopia.Au bout d'une semaine alors qu'elle prenait la barre Samantha aperçut de loin un amas de vagues qui tourbillonnaient bizarrement, entraînées par un courant encore plus puissant qu'un tsunami. Elle réveilla sa compagne instantanément:- Genma, réveillez vous! Le triangle des Bermudes ne devrait plus être loin...- Hein? Quoi? marmonna la vieille dame encore ensommeillée.-Bermudes en vue!- Déjà?! Non c'est impossible!Elle plissa les yeux, éblouie par les premières lueurs de l'aube et vit avec effroi les courants tourbillonnants mus par le vent attirer inexorablement le catamaran vers l'épicentre du typhon. Elle cria pour couvrir le bruit des rouleaux:- Je vais descendre en trapèze afin de rééquilibrer le bateau! Contente toi de réduire l'allure mais sans toucher à la grand-voile sinon on vire de bord au moindre faux-pas! Quand je te ferais signe, saute pour ne pas être piégée par les cordages lorsque l'attraction aura pris le dessus sur mes vieux muscles! Adieu, nous nous reverrons peut-être au paradis!Lorsque Genma descendit en trapèze Samantha réalisa que c'était probablement la dernière fois qu'elles se parlaient. Seulement elle n'avait pas le choix: survivre impliquait désormais de se laisser emporter corps et biens vers les profondeurs. Lorsque le "Carpe Diem" atteignit les abords tumultueux de l'épicentre des Bermudes, Genma leva le pouce. La peur au ventre Samantha eut à peine le temps de décrocher son bidon étanche de la drisse et sauta sans réfléchir. Elle fut aussitôt happée par les bas-fonds sous-marins assommée par le catamaran qui se retourna soudain à cent quatre vingt degrés. Des milliers d'étoiles dansèrent devant ses yeux et elle perdit connaissance. Chute sans fin. Froid mordant. Noir total.Une onde de chaleur douce passa sur son visage. Ses narines inhalèrent une délicieuse odeur de cannelle. Une mélopée harmonieuse sublimée par des accords mélancoliques à la harpe charma ses oreilles.Samantha cligna des yeux, étourdie par sa chute abyssale. Elle recouvra lentement ses esprits et ses sensations allongée sur un large lit en forme de coquillage fait d'éponge et d'algue, une texture ferme, moelleuse et polymorphe à la fois. Elle se tâta de la tête aux pieds et constata sans surprise qu'elle était couverte de bandages. Jetant un regard circulaire sur la pièce ovoïde en forme d'océarium où elle venait de se réveiller elle entrevit Genma la veillant avec attention, assise dans un fauteuil-coquille fait de corail rouge vermeil:- Enfin te voilà réveillée! Au bout de deux jours je commençais à m'inquiéter...- QUOI? J'ai dormi... deux jours de suite?!?- Tout à fait. A ce propos nous demeurons depuis lors aux abords d'Utopia dans ce qu'ils appellent des F3C: ce sont des centres d'accueil pour les réfugiés en attente d'un titre de séjour. Nous sommes logés ici provisoirement tous frais payés le temps de recevoir des cartes d'identité utilisant la technologie du morphing qui nous permettront de circuler librement dans la ville intra muros.- Heureusement le confort est au rendez-vous comparé à un Formule 1, soupira Samantha en s'appuyant sur un coude pour se lever.- Reste au lit pour l'instant, tes blessures sont loin d'être guéries. Tu auras besoin de repos pour récupérer suffisamment.- Je me sens très bien et je ne vais pas rester alitée alors que je suis très curieuse de voir à quoi ressemble Utopia.- A toi de voir, c'était un simple conseil.Samantha s'assit sur le bord du lit, les jambes dans le vide le temps de reprendre ses esprits. Tandis qu'elle s'habillait à la va-vite, elle grimaça lorsque son cou l'élança. En soulevant sa lourde chevelure auburn, elle fut étonnée de découvrir en se regardant dans un miroir face à elle une large cicatrice courant le long de sa nuque qu'elle n'avait jamais remarquée auparavant et dont elle ignorait l'origine." - Bienvenue à Utopia la cité où tous vos rêves se réalisent! Jeunes, vieux, riches, pauvres Utopia vous accueillera à bras ouverts: vous y profiterez d'une qualité de vie incomparable et vous deviendrez enfin acteur de votre vie et du monde qui vous entoure!"Le mot d'accueil clignota encore quelques instants sur l'écran géant puis fut remplacé par le flux RSS de l'actualité de la journée, relayée par les réseaux Web du monde entier.Soudain Samantha sursauta en voyant une photo d'elle s'afficher en gros plan surmontée du logo d'Interpol:- Pourquoi vous ne m'avez pas prévenue que Mère avait lancé un avis de recherche aux familles?- Concrètement nous nous trouvons six pieds sous la mer donc il est inutile de s'en inquiéter du moins dans l'état actuel des choses. Par ailleurs il me semble utile de te rappeler que tu n'as jamais porté Catherine Duval dans ton coeur.- Elle a un caractère insupportable avec ses airs maniérés et ses principes éducatifs stricts mais... je lui dois la vie quand même!- Ne sois pas naïve, même si elle l'a fait par pur instinct maternel tu ne m'enlèveras pas de l'idée qu'elle manigance quelque chose même si je ne saurais déterminer quoi exactement.Sur ce Genma guida sa protégée vers un baraquement surmonté d'une pancarte "Nouveaux arrivants" accolé aux portes de la ville:- Essayons de ne pas nous faire remarquer alors qu’on vient à peine d’arriver. Je devrais t'enregistrer comme étant ma petite-fille, non? C'est ce qui me paraît le plus crédible mais si cela te dérange je te laisserais décider.- Vous voudriez que je prenne la place d'une disparue? Ca me fait froid dans le dos, répliqua Samantha.Secrètement elle l'avait toujours désiré de toutes ses forces mais pas maintenant et pas dans ces conditions." Physiquement tu as vieilli mais tu restes au fond de toi la petite-fille rayonnante que tu étais à sept ans" sourit Genma intérieurement mais elle s'abstint de faire part de ses doutes à Samantha. Celle-ci n'était pas encore prête à écouter ce qu'une vieille dame de 80 ans avait à lui raconter sur la vie...- C'est pour aujourd'hui ou pour demain? Il commence à se former une telle file d'attente que je vous demande poliment d'aller régler vos comptes ailleurs et de me laisser faire mon travail, s'il vous plaît.- On ne se dispute pas, on s'explique! Rétorquèrent en choeur les deux intéressées.- Admettons... Vos noms et prénoms?- Je m'appelle Genma Gekko et voici mon employée, Samantha Duval.La guichetière tiqua, le sourcil levé:- Mademoiselle ne seriez-vous pas la fille de l'avis de recherche? S’enquit-elle à l'adresse de Samantha.Prise de panique, celle-ci se frotta nerveusement les cheveux:- En effet c'est moi. Vous n’allez pas me dénoncer à Interpol, n'est ce pas?- Nous avons seulement accès aux dossiers en cours et si je tape "Samantha Duval" je suis sûre que vous correspondez au signalement fourni. En fait le truc qui me dérange en consultant les archives d'Interpol à ton sujet est que tu fais l'objet d'une demande de papiers d'identité toujours en cours mais qui date d'au moins dix ans. Malgré tout je dois me résigner à te rapatrier chez toi et ne pas feindre comme si de rien n'était. Réponds tu au signalement décrit dans la déposition?- Oui, avoua Samantha vaincue.- Si tu avais été majeure tout aurait été bien différent, on aurait trouvé un arrangement quelconque à l'amiable. Mais tu n'as que dix-sept ans.- J'ai bouillonné d'impatience dans l'attente du jour où je pourrais enfin voler de mes propres ailes et voyager à travers le monde entier. Désormais je ne peux plus reculer.- Ele a été adoptée, se permit d'intervenir Genma. Elle a une adolescence très difficile compte tenu du fait qu'elle aie évolué successivement dans deux milileux sociaux totalement antagonistes.- Je comprends tout à fait madame mais Samantha Duval n'a aucune existence civile. Dans l'état civil son nom n'est mentionné nulle part et n'est relié à aucun document officiel.- Mère a quand même fait une demande qui a été acceptée puisqu'elle n'aurait quand même pas osé m'adopter illégalement? Par alleurs j'ai passé le bac sans encombres. Elle a toujours considéré que c'était à moi de faire les démarches nécessaires à ma majorité.- Je n'ai aucun moyen de le prouver mais je peux affirmer avec une quasi-certitude que cette identité qui est devenue la tienne est purement factice.Ce ne serait quand même pas si simple mais la demande de papiers toujours en suspens datant d'il y a dix ans se recoupe bizarrement avec une autre affaire de disparition encore et toujours non résolue en ce jour. Je veux parler d'une petite fille qui s'est miraculeusement tirée des griffes des Bermudes mais qui n'a pourtant pas été retrouvée depuis lors même après des recherches acharnées menées par sa famille. Elle s'appelait Natsuhiko, Natsuhiko Gekko et aurait dix sept ans comme toi si seulement elle était encore vivante!
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22h30Samantha frissonna sous sa veste légère. Un vent glacial agitait les branches des platanes ascétiques qui entouraient la petite place du village menant à la base nautique."Une vraie météo d'octobre à la mi-juillet... " pensa-t-elle en remontant son col.Elle voulut traverser la placette au pas de course lorsqu'une voix éraillée la héla et la fit presque sursauter:- Que fais-tu dehors à une heure pareille Samantha?C'était Genma et l'intéressée paniqua. Néanmoins suffisamment polie pour ne pas le montrer, la jeune fille se ressaisit et se composa un sourire jovial:- Bonjour Genma, comment allez-vous depuis ce week-end? Avez-vous besoin de quelque chose?- Je vais très bien merci. Je n'arrivais pas à dormir donc je suis sortie prendre l'air. Peu importe... ce qui compte c'est toi, une jeune fille de ton âge ne devrait pas se promener seule à la nuit tombée. Tu ferais mieux de rentrer chez toi: je vais même t'accompagner...Samantha déglutit, la gorge nouée:- Au point où j'en suis ma décision est prise: même si fuguer n'est pas la solution idéale à mes problèmes je ne ferais pas marche arrière. Honnêtement je suis en train de réaliser un rêve que j'ai toujours désiré en secret, faire le tour du monde.- Malheureuse! Tu ne comptais pas partir de nuit j'espère? Attends chez moi jusqu'au matin je trouverais un prétexte pour justifier à ta mère ton escapade nocturne vu qu'elle ne manquera pas de s'en apercevoir.Etonnée son employée la dévisagea avec stupéfaction:- Merci pour votre aide vous êtes bien la première personne à ne pas vous scandaliser d'une telle décision.- Tout simplement parce que j'ai fait de même à ton âge. Depuis toute petite je rêvais d'être navigatrice. Le voyage représentait pour moi l'ouverture d'esprit de l'aventurier curieux et l'épanouissement de ma féminité en tant que femme libérée. Depuis des générations c'est ainsi que les mères éduquent leurs filles chez les Gekko. Une femme doit construire sa féminité et son avenir selon ses choix et non ceux que lui imposent certains stéréotypes féminins actuels. Ma fille Samia était elle aussi en passe de devenir une excellente navigatrice mais sa carrière a été brisée par la mort de sa chère petite Natsuhiko il y a dix ans dont elle se croit responsable...- Arrêtez de vivre dans le passé, cela n'apporte rien de bon de ressasser encore et encore des souvenirs douloureux.En même temps qu'elle prononçait ces mots, l'adolescente songea à ses propres cauchemars angoissants et constata qu'elle n'était pas la mieux placée pour donner des conseils sachant qu'elle baignait depuis l'enfance dans le même état d'esprit sans parvenir à l'admettre.- Je regrette tellement l'époque heureuse où toute la famille était unie et où on passait ensemble des vacances tout autour du monde. Je prenais un réel plaisir à partager mes connaissances du monde et mon expérience de la mer avec Natsuhiko et son petit frère Riotaka. As tu entendu parler de la légende de la Cité des rèves qui court sur le triangle des Bermudes? Utopia, la cité où tous vos rêves deviennent réalité?Ce nom évoqua vaguement quelque chose à Samantha qui vit des lambeaux de souvenirs fantomatiques et lointains remonter à la surface mais elle n'y prêta pas attention car cela semblait angoissant et étroitement lié à ses cauchemars:- N'écoutez pas les rumeurs Genma, un tel endroit ne peut exister du point de vue même des lois physiques.- Pour une future navigatrice je te trouve plutôt pragmatique. L'idée qu'il puisse exister un tel lieu utopique, aussi mystérieux et inexploré par l'homme soit-il, n'est t elle pas attrayante?Au fait cela te dérangerait t il si je partais avec toi? Tout compte fait je te ferais part de mon expérience, ce qui n'est pas du luxe dans ton cas.- Je me vois mal refuser. Avez vous gardé le bateau que vous pilotiez plus jeune?23h00:Genma actionna l'ouverture automatique de son garage et invita Samantha à jeter un coup d'oeil à l'intérieur. Un catamaran usé par le temps dont le nom soit "Carpe Diem" était à moitié effacé trônait au milieu d'un capharnaïum de cordages et d'outils de navigation:- Vous êtes sûre qu'il fonctionne encore? s'enquit Samantha en zigzaguant jusqu'au bateau pour mieux l'inspecter. Il aurait peut-être besoin d'un coup de frais, non?- Il est en parfait état de marche, répondit Genma en vérifiant l'état des cordages nécessaires pour gréer correctement l'embarcation. Ces bateaux là ont l'avantage d'être pratiquement inusables. Au risque de te décevoir je ne tiens pas à partir dès minuit; attendons l'aube, ensuite on avisera.- A vrai dire, c'est vous la spécialiste.Minuit:Vêtue d'une fine chemise de nuit pailletée Samantha se glissa sous la couverture que son employeuse avait disposée sur le futon qui lui tenait lieu de canapé en l'invitant à finir sa nuit dans le salon à côté du poêle sur lequel étaient encadrées des photos de famille. Lorsqu'elles passèrent dans son champ de vision avant qu'elle s'endorme, Samantha fut passablement étonnée de pouvoir reconnaître certains visages sans pour autant mettre de noms dessus. Elle pensa qu'elle avait une étrange impression de déjà vu mais sa mémoire resta close et sourde à ses sollicitations.Mais dès qu'elle ferma les yeux ses cauchemars revinrent à la charge. Cette fois elle perçut nettement des sons venus d'ailleurs. Une voix inconnue l'appelait inlassablement... Une voix de petite fille hurla à son tour; était-ce la sienne?"Maman..." Elle se réveilla en larmes, entortillée dans ses couvertures et couverte de sueur.- C'est quoi ce boucan! s'exclama Genma qui accourut par l'escalier reliant le salon et sa chambre. On a toutes les deux besoin d'une bonne nuit de sommeil avant le départ! Pas question de faire la sieste quand on sera en mer, alors retourne vite au lit." Si ce maudit cauchemar arrêtait de me prendre au dépourvu, je pourrais dormir..." songea Sam amèrement:- Je rêvais, rétorqua-t-elle simplement.L'expression de Genma s'adoucit:- Je t'ai entendue appeler ta mère. Pourrais-tu m'en dire plus?Sam hésita avant de répondre:- J'ai tout oublié de ma vie d'avant depuis ce jour fatidique où Madame Duval m'a adoptée. Tout ce qu'il en reste ce sont ces cauchemars horribles qui ne me laissent aucun répit dès que la nuit tombe. Jusqu'à aujourd'hui c'était une petite fille étrangère à moi-même qui en tenait le rôle principal mais maintenant je réalise qu'elle pourrait être une facette de moi-même que j'ai volontairement renié depuis dix ans pour contrer cette amnésie qui me vole mes souvenirs un par un...Genma ne trouva pas les mots adéquats pour la consoler et préféra se taire. Elle arrangea simplement les couvertures, la prit par les épaules dans un geste réconfortant et lui proposa du regard de se rendormir calmement. Elle la borda et la regarda avec compassion alors qu'elle remontait dans sa propre chambre:- Bonne nuit Samantha.6h00:L'aube s'esquissait; après avoir dormi quelques heures les deux voyageuses s'habillèrent de combinaisons et s'équipèrent de bidons en plastique étanche qui allaient contenir leurs effets personnels lors du voyage:- Tiens avale ça! Ce sont des comprimés contre le mal de mer, expliqua Genma à la jeune novice en lui tendant une boîte remplie de pilules rondes à la menthe.Elle en avala une également et ajouta:- Et voici un jus de fruit d'oranges pressées et des barres céréales en guise de petit déjeuner pour te redonner de l'énergie maintenant car il ne sera pas envisageable de faire une pause avant un bon moment dans le sens où les courants de l'Atlantique peuvent assez rapidement te piéger.7h00:Samantha s'assura que les safrans étaient correctement vissés tandis que Genma vérifiait une dernière fois la solidité des cordages. Ces derniers contrôles techniques effectués les deux femmes poussèrent le bateau vers les vagues. Tandis que l'une choquait le foc et donnait du mou à la grande-voile, l'autre se hissa à la force des bras sur le trampolline et saisit la barre afin d'aligner les safrans.- Bravo pour une néophyte qui a seulement appris dans les livres! félicita la vieille dame.La jeune fille se mit à rire:- Encore heureux que j'ai le pied marin si mon rêve est de naviguer à travers le monde entier. On y va?- On y va. Tire à fond sur la barre sauf si tu as le vertige!8h00:Catherine Duval frappa doucement à la porte de la chambre de sa fille. Inquiète de ne pas entendre celle-ci réagir elle entra. Ce qui la frappa avant toute chose fut de voir la pièce impeccablement rangée et nettoyée alors qu'elle avait l'habitude de la supplier pendant des jours entiers pour que seuls les deux mètres carrés réserfés au coin bureau soient à peu près en ordre:- Il est déjà huit heures Samantha. Ne deviez-vous pas vous réveiller plus tôt pour être en cours à la demie?Elle se rendit compte en retard qu'elle parlait dans le vide. Pas de réponse. Elle passa dans la petite salle de bains attenante. Personne.Refusant de céder à oa panique elle inspirait profondément lorsque son regard tomba sur le mot posé en évidence sur la table de chevet:" A l'approche de ma majorité il est temps que je vole de mes propres ailes Mère. Vous ne pouviez pas me m'enfermer dans une prison dorée jusqu'à ce que je devienne adulte. Quitte à me marier très tôt j'estime avoir le droit de profiter de la jeunesse qu'il me reste pour voyager et découvrir qui je suis vraiment. Abandonnez les démarches d'inscription en faculté de médecine, je ne serais revenue que dans quelques mois.Au plaisir de vous revoir prochainement.Samantha Marie Duval-De la Thénardière"Madame Duval manqua défaillir en prenant conscience que sa fille avait fugué. Elle allait mettre tout en oeuvre pour la retrouver. A propos de mariage elle avait négocié avec l'une de ses amies, adjointe du maire pour que Samantha soit invitée au rallye organisé par celui-ci pour marier son fils. Mais Samantha était déjà loin.
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Pendant que chacun vaquait à ses corvées ménagères du jour, Sol délaissa son balai et vint me voir. J’étais en train de ranger les tasses et les verres lorsqu’il s’adossa au plan de travail et referma le placard d’un geste de la main- Tu devrais apprendre à te défendre. Clara ne te lâchera pas tant que tu ne lui auras pas montré que tu es Luna Farewell et non Ghost une ado solitaire en marge, sans repères. Si tu veux je peux t’y aider à condition que tu y mettes un peu du tien.Un sourire éclaira mon visage :- Sol je te remercie de ta sollicitude mais il faut que je fasse mes armes par mes propres moyens.- Ce n’est pas en refusant l’aide d’autrui que tu deviendras forcément adulte. Ecoute je vais te raconter une histoire qui va te faire comprendre pourquoi l’acceptation de l’autre est essentielle pour avancer dans la vie.Il me prit par la main et m’entraîna à sa suite dans le hall :- Où va-t-on ?- Fais moi confiance, dit-il mystérieusement avec un clin d’œil en m’invitant à entrer dans un ancien appartement du rez-de-chaussée transformé en salon commun.L’endroit était spacieux et particulièrement lumineux comparé aux studios des étages supérieurs.Un pan de mur entier soutenait une bibliothèque hétéroclite de livres d’occasion ou neufs, de CDs, de DVD et de magazines trouvés ou achetés ça et là. Un canapé moelleux usé mais toujours en état de faire son office était calé sous l’immense baie vitrée. En face du coin bibliothèque trônait un téléviseur à tube cathodique branché sur un modem et un lecteur DVD/Blu-Ray. Enfin sur une table basse où traînaient des cours de toutes sortes faits sur feuilles volantes, un ordinateur portable de deuxième main était en veille, à demi ouvert.Sol me fit signe de m’installer confortablement et extirpa de sous les feuilles de cours un CD-ROM RW intitulé « Journal de bord » qu’il inséra dans l’ordinateur. Celui-ci mit du temps à se mettre en branle et à en charger le contenu mais finalement une boîte de dialogue s’ouvrit et Sol double-cliqua sur un document Word après en avoir déverrouillé le mot de passe.- En quelque sorte c’est le journal de bord quotidien du Radeau où chacun peut écrire et inscrire ses pensées de manière anonyme comme il l’entend, m’expliqua-t-il. Une sorte de roman de voyage écrit à plusieurs mains, en somme.Je commençais à lire la première page :Jeudi 1 octobre :Je viens d’avoir 16 ans et je me sens toujours considéré comme un gamin, un pauvre petit être sans défense qui n’arrive pas à grandir dans sa tête avec l’espoir naïf qu’une demi majorité c’est déjà le grand saut dans l’âge adulte. Normal j’ai toujours vécu dans du coton choyé par des parents possessifs qui ont du mal à admettre qu’un jour je puisse voler de mes propres ailes. Ils m’ont toujours répété que j’étais leur fils adoré, leur trésor le plus précieux et tout ce que des parents peuvent trouver de mélioratif pour convaincre leurs enfants de leur amour et de leur soutien cependant il y a un hic. A seize ans passés, je ne peux toujours pas sortir au-delà de minuit, boire de l’alcool ou avoir un scooter encore moins monter à Paris avec mes potes pendant les vacances.Bon et puis j’oubliais c’est bien beau tout ça mais pendant des années je me suis ennuyé à mourir en vacances chez mes grands parents alors que j’aurais bien voulu profiter des dernières soirées d’été avec mes amis avant de reprendre l’école.J’en ai marre mais comme jamais je ne me suis lassé de quelque chose ou d’une situation.Que faire ? Sans compter que mes parents m’ont juré de demander mon émancipation si je redouble encore cette année parce qu’ils ont en marre de devoir encore trouver un nouveau lycée à la dernière minute.Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. Je suis bon élève mais les cours ne m’intéressent pas, comme si je flottais dans la quatrième dimension entre deux équations du second degré et un chapitre de Candide. Je ne me raccroche à rien mis à part ce vide grandissant qui me dévore de l’intérieur et qui me fait peur, cette peur inconsciente de l’inconnu.Qui suis-je en fait ? Voilà une question à laquelle étonnamment je ne saurais répondre avec précision. Quitte à tout recommencer à zéro, mieux vaut que je me fasse émanciper maintenant, comme ça j’aurais peut-être la réponse à mes questions.Vendredi 16 octobre :J’ai fait le grand pas et j’attends sur le quai que le train de 18h m’emmène vers la capitale. J’ai le cœur serré à l’idée que je fais peut-être la plus grosse bêtise de toute mon existence mais mes parents m’ont assuré que je serais toujours le bienvenu chez eux si par hasard je changeais d’avis Ma mère m’a regardé d’un drôle d’air lorsque j’ai fait mes valises mais n’a rien dit. Au moment de se quitter aux portes de la gare j’ai eu l’impression l’espace d’un instant qu’elle pleurait ; l’instant d’après elle m’a souri en me souhaitant bon courage pour la suite et bonne chance dans mes études.J’ai bien vu que son sourire était forcé.Le voyage s’est bien passé et à vingt heures j’errais au hasard dans les rues de Paris. Je n’avais nulle part où aller et personne sur qui compter. Mon seul point de repère était le lycée de ZEP où je devrais me présenter le lendemain. En désespoir de cause je m’installais avec mon barda en guise d’oreiller et d’abri improvisé dans le hall de la gare Montparnasse, au moins cela me faisait un toit chauffé pour la nuit. Je ne m’endormis pas tout de suite. Un groupe de jeunes passa, la clope au bec pour la plupart d’entre eux. Parmi eux il y avait une fille à peu près de mon âge qui portait à bout de bras plusieurs sacs de cours remplis à bloc. J’eus pitié pour elle mais je n’osais pas intervenir ne connaissant personne.Samedi 17 octobre :L’entrevue avec la directrice s’est passé comme un jeu d’enfant, mon dossier étant comme toujours excellent. Mais le lycée ne propose pas d’internat donc je suis contraint de me débrouiller par mes propres moyens. Dans ma classe une fille accepte de m’héberger le temps que je trouve de quoi me loger décemment. Elle s’appelle Clara. On fait un peu connaissance sur le chemin du retour. Le truc c’est que chez elle c’est une chambre dans un foyer pour jeunes et il se trouve que ledit foyer a un règlement relativement strict en ce qui concerne les entrées, les sorties et l’accès aux chambres pour les résidents et leurs amis. Finalement j’échoue dans une minuscule chambre guère plus grande qu’un cagibi qui donne sur une bouche de métro aérien donc impossible de fermer l’œil de la nuit.De plus les autres résidents ne semblent pas m’apprécier et me regardent de travers. C’est quoi le problème ? J’ai rapidement la réponse dès le lendemain au petit déjeuner à cause de Clara qui prend un malin plaisir à humilier « Ghost », sa voisine de table qui part s’isoler sans un mot dans un coin de la salle commune.Je dévisage l’intéressée à la dérobée, c’est la fille d’hier soir. Elle est étrange mais elle ne ferait pas de mal à une mouche. Et plus important encore, au moment où nos regards se croisent je redescends de la quatrième dimension en vol direct. Je me sens tellement mal à l’aise que je préfère me conformer au comportement de la majorité à son égard. Cependant j’ai un pincement au cœur lorsque je constate qu’elle est carrément mise explicitement à l’écart par les éducateurs eux-mêmes qui semblent désespérés de son absence quasi-totale de sociabilité.Et c’est ainsi que je me fais tout bonnement renvoyer du foyer une semaine plus tard pour avoir voulu foutre un coup de poing dans la figure d’un résident échevelé qui voulait abuser de sa faiblesse au lit.Je suis désormais à la rue et je fais avec. Je n’aurais jamais envisagé que ma gentillesse naturelle pouvait me jouer des tours…Soufflée je ne prononce pas un mot à la lecture de ce journal intime de fortune.Sol se tourne vers moi :- Devrais-je aussi le faire lire à Clara ?Je gardais le silence un moment avant de répondre que non.Assommée je sortis dans le hall prendre l’air. Quelques résidents intrigués me regardèrent me mouvoir comme un automate en direction du réfectoire. Il n’y avait plus personne. Jovovich, un étudiant en langues étrangères appliquées biélorusse et fauché me lança :- Clara et les autres sont partis fumer une clope dans le coin.- Merci Jo, répondis-je laconiquement.Je sortis sur le boulevard et jetai un regard circulaire autour de moi. Personne.- Qu’est ce qu’il lui prend tout à coup ? s’enquit Jovovich auprès de Sol qui accourut pour m’accompagner.- L’amour mon pote, le cœur a ses raisons que la raison ignore.Il me guida vers la station de métro à l’air libre où tout le monde avait l’habitude de se retrouver pour fumer la clope de l’amitié après le déjeuner.
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