• 9- Cauchemar d'une nuit d'été

    Je crus d'emblée à un canular mais le sens du message était clair, tranchant, sans appel.
    Je ne devais pas prendre ces menaces d'une évidente absurdité au sérieux, pourtant une pointe de culpabilité ne cessa de me tarauder alors que j'accomplissais mes tâches quotidiennes avec les gestes mécaniques d'un robot, les nerfs tendus comme des élastiques prêts à craquer à la moindre contrariété.
    Rapidement un dilemme cornélien s'imposa à moi: de celui que j'allais choisir entre David et Steve allait dépendre mon avenir, en meilleur comme en pire.
    Le soir venu je m'autorisai un détour par le centre de secourisme venue aux nouvelles mais je regrettai aussitôt mon geste tant les regards de mes anciens collègues pesèrent sur moi, dûment accusateurs. Un silence lourd de sens plombait l'atmosphère et je ne savais quoi dire ni que faire lorsqu'il fut rompu par un bip strident.
    Toutes les têtes se tournèrent vers le moniteur relié aux caméras de surveillance où un voyant écarlate clignotait à intervalles réguliers.
    A première vue rien à signaler mais en y regardant de plus près apparaissait en arrière plan un zodiaque qui traversait en zigzag le champ de la caméra, hors de contrôle.
    Accroché au moteur, semblable à une bouteille à la mer, un gilet de sauvetage flottait au gré des caprices du vent.
     
    - Suis-nous sans faire d'histoires !
    - Lâchez moi! J'ai rien à voir là-dedans !
    - Tu feras moins le malin après avoir été interrogé par les gars.
    - Cela ne me fait pas peur, le père d'une amie travaille dans la police.
    - Toute menace est inutile, on est arrivés.
    Loin des caméras, une minuscule crique  se profile au creux de la falaise, dissimulée par les rochers où Steve est poussé sans ménagements, pieds et poings liés:
    - Je n'ai rien à vous dire.
     
    - Emilie, Geoffrey, Jeanne passez les plages des alentours au peigne fin. Vous autres poussez les recherches jusqu'au village, sait-on jamais... Bougez-vous il n'y a pas de temps à perdre! Assena Jefferson, notre chef d'équipe.
    Personne ne songea à rechigner et se prépara sans un mot.
    Les périmètres d'action furent équitablement répartis; alors que je louvoyais à travers les cabanes de pêche et les rochers amassés en criques, un sentiment de panique irrépressible m'envahit à la fois incontrôlable et incompréhensible.
    Au détour d'un banc de berniques, j'avisai un homme entre deux âges, habillé comme un pêcheur à pied mais armé jusqu'aux dents, visiblement aux aguets.
    Il se mit en garde mais une main gantée d'un poing américain arrêta net son geste. Mike, la dernière personne que je me serais attendue à rencontrer au fin fond de la Bretagne, apparut au détour de la falaise.
    De ses poches dépassaient un smartphone et un talkie-walkie:
    - Tu fais bien d'être là princesse, lança t il à brûle-pourpoint. Il faut que les choses soient tirées au clair une bonne fois pour toutes.
    - Je ne vois pas de quoi tu parles, rétorquais-je sèchement.
    - Amène toi tu vas comprendre ton malheur. T'inquiètes pas Roy, c'est une vieille connaissance laisse passer.
    Avec appréhension je le rejoignis sans délai, après quoi il me préceda dans une crique totalement isolée des caméras en bordure de falaise.
    Alors il se retourna brusquement et me saisit par le col de mon survêtement:
    - T'as l'argent, j'espère? Siffla t il.
    - Quel argent?
    - Ne joue pas à l'effarouchée, à partir de maintenant vos vies pourraient être mises en jeu.
    Il me relâcha avant d'ajouter:
    - Tout dépend de ta coopération.
    En suivant son regard j'aperçus Steve affaissé contre la pierre, inerte:
    - Que lui as-tu fait? Hoquetais-je, choquée.
    - Un peu arrogant mais il a fini par coopérer.
    Je ne l'écoutais plus, penchée au chevet de Steve. Son pouls était faible mais sa respiration régulière aussi semblait-il juste endormi, ou bien drogué:
    - On peut s'arranger je ne vais vider mes comptes en banque pour cautionner tes trafics, avançais-je prudemment.
    - Quitte ou double, soit t'as les 10 000€ soit tu les as pas, répliqua-t-il en s'approchant de nous.
    - Je ferais tout ce que tu voudras, mais accorde moi au moins un délai ! M’écriais-je en faisant rempart de mon corps pour protéger Steve.
    - Tu ne perds rien pour attendre....
    - Emilie? Appela soudain Jeanne, de loin.
    L'écho confondu de ses pas et de sa voix se rapprocha, elle parlementa quelques instants avec Roy puis déboula comme une furie dans la crique:
    - Qu''est ce que tu fous? Ca fait déjà plus d'une heure qu'on aurait du aller faire un premier rapport préliminaire à Jeff. Je te jure quand tu t'y mets... Pourquoi tu me regardes comme ça? Qu'est ce qui se passe ici au  juste?
    Son regard passa alternativement de l'expression menaçante de Mike à moi-même accroupie telle un chat sauvage prêt à bondir puis au corps inerte de Steve qui avait glissé dans le sable:
    - Rassure-moi... ce n'est qu'un cauchemar je vais me réveiller et toute cette affreuse plaisanterie ne sera plus qu'un lointain souvenir...
    - Non justement ! m'exclamais-je. Et tu n'aurais pas dû venir...
    - Jeff se faisait du souci pour toi, il ne faut pas lui en vouloir.

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