• Pendant que chacun vaquait à ses corvées ménagères du jour, Sol délaissa son balai et vint me voir. J’étais en train de ranger les tasses et les verres lorsqu’il s’adossa au plan de travail et referma le placard d’un geste de la main
    - Tu devrais apprendre à te défendre. Clara ne te lâchera pas tant que tu ne lui auras pas montré que tu es Luna Farewell et non Ghost une ado solitaire en marge, sans repères. Si tu veux je peux t’y aider à condition que tu y mettes un peu du tien.
    Un sourire éclaira mon visage :
    - Sol je te remercie de ta sollicitude mais il faut que je fasse mes armes par mes propres moyens.
    - Ce n’est pas en refusant l’aide d’autrui que tu deviendras forcément adulte. Ecoute je vais te raconter une histoire qui va te faire comprendre pourquoi l’acceptation de l’autre est essentielle pour avancer dans la vie.
    Il me prit par la main et m’entraîna à sa suite dans le hall :
    - Où va-t-on ?
    - Fais moi confiance, dit-il mystérieusement avec un clin d’œil en m’invitant à entrer dans un ancien appartement du rez-de-chaussée transformé en salon commun.
    L’endroit était spacieux et particulièrement lumineux comparé aux studios des étages supérieurs.
    Un pan de mur entier soutenait une bibliothèque hétéroclite de livres d’occasion ou neufs, de CDs, de DVD et de magazines trouvés ou achetés ça et là. Un canapé moelleux usé mais toujours en état de faire son office était calé sous l’immense baie vitrée. En face du coin bibliothèque trônait un téléviseur à tube cathodique branché sur un modem et un lecteur DVD/Blu-Ray. Enfin sur une table basse où traînaient des cours de toutes sortes faits sur feuilles volantes, un ordinateur portable de deuxième main était en veille, à demi ouvert.
    Sol me fit signe de m’installer confortablement et extirpa de sous les feuilles de cours un CD-ROM RW intitulé « Journal de bord » qu’il inséra dans l’ordinateur. Celui-ci mit du temps à se mettre en branle et à en charger le contenu mais finalement une boîte de dialogue s’ouvrit et Sol double-cliqua sur un document Word après en avoir déverrouillé le mot de passe.
    - En quelque sorte c’est le journal de bord quotidien du Radeau où chacun peut écrire et inscrire ses pensées de manière anonyme comme il l’entend, m’expliqua-t-il. Une sorte de roman de voyage écrit à plusieurs mains, en somme.
    Je commençais à lire la première page :
     
    Jeudi 1 octobre :
     
    Je viens d’avoir 16 ans et je me sens toujours considéré comme un gamin, un pauvre petit être sans défense qui n’arrive pas à grandir dans sa tête avec l’espoir naïf qu’une demi majorité c’est déjà le grand saut dans l’âge adulte. Normal j’ai toujours vécu dans du coton choyé par des parents possessifs qui ont du mal à admettre qu’un jour je puisse voler de mes propres ailes. Ils m’ont toujours répété que j’étais leur fils adoré, leur trésor le plus précieux et tout ce que des parents peuvent trouver de mélioratif pour convaincre leurs enfants de leur amour et de leur soutien cependant il y a un hic. A seize ans passés, je ne peux toujours pas sortir au-delà de minuit, boire de l’alcool ou avoir un scooter encore moins monter à Paris avec mes potes pendant les vacances.
    Bon et puis j’oubliais c’est bien beau tout ça mais pendant des années je me suis ennuyé à mourir en vacances chez mes grands parents alors que j’aurais bien voulu profiter des dernières soirées d’été avec mes amis avant de reprendre l’école.
    J’en ai marre mais comme jamais je ne me suis lassé de quelque chose ou d’une situation.
    Que faire ? Sans compter que mes parents m’ont juré de demander mon émancipation si je redouble encore cette année parce qu’ils ont en marre de devoir encore trouver un nouveau lycée à la dernière minute.
    Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. Je suis bon élève mais les cours ne m’intéressent pas, comme si je flottais dans la quatrième dimension entre deux équations du second degré et un chapitre de Candide. Je ne me raccroche à rien mis à part ce vide grandissant qui me dévore de l’intérieur et qui me fait peur, cette peur inconsciente de l’inconnu.
    Qui suis-je en fait ? Voilà une question à laquelle étonnamment je ne saurais répondre avec précision. Quitte à tout recommencer à zéro, mieux vaut que je me fasse émanciper maintenant, comme ça j’aurais peut-être la réponse à mes questions.
     
     Vendredi 16 octobre :
     
    J’ai fait le grand pas et j’attends sur le quai que le train de 18h m’emmène vers la capitale. J’ai le cœur serré à l’idée que je fais peut-être la plus grosse bêtise de toute mon existence mais mes parents m’ont assuré que je serais toujours le bienvenu chez eux si par hasard je changeais d’avis Ma mère m’a regardé d’un drôle d’air lorsque j’ai fait mes valises mais n’a rien dit. Au moment de se quitter aux portes de la gare j’ai eu l’impression l’espace d’un instant qu’elle pleurait ; l’instant d’après elle m’a souri en me souhaitant bon courage pour la suite et bonne chance dans mes études.
    J’ai bien vu que son sourire était forcé.
    Le voyage s’est bien passé et à vingt heures j’errais au hasard dans les rues de Paris. Je n’avais nulle part où aller et personne sur qui compter. Mon seul point de repère était le lycée de ZEP où je devrais me présenter le lendemain. En désespoir de cause je m’installais avec mon barda en guise d’oreiller et d’abri improvisé dans le hall de la gare Montparnasse, au moins cela me faisait un toit chauffé pour la nuit. Je ne m’endormis pas tout de suite. Un groupe de jeunes passa, la clope au bec pour la plupart d’entre eux. Parmi eux il y avait une fille à peu près de mon âge qui portait à bout de bras plusieurs sacs de cours remplis à bloc. J’eus pitié pour elle mais je n’osais pas intervenir ne connaissant personne.
     
    Samedi 17 octobre :
     
    L’entrevue avec la directrice s’est passé comme un jeu d’enfant, mon dossier étant comme toujours excellent. Mais le lycée ne propose pas d’internat donc je suis contraint de me débrouiller par mes propres moyens. Dans ma classe une fille accepte de m’héberger le temps que je trouve de quoi me loger décemment. Elle s’appelle Clara. On fait un peu connaissance sur le chemin du retour. Le truc c’est que chez elle c’est une chambre dans un foyer pour jeunes et il se trouve que ledit foyer a un règlement relativement strict en ce qui concerne les entrées, les sorties et l’accès aux chambres pour les résidents et leurs amis. Finalement j’échoue dans une minuscule chambre guère plus grande qu’un cagibi qui donne sur une bouche de métro aérien donc impossible de fermer l’œil de la nuit.
    De plus les autres résidents ne semblent pas m’apprécier et me regardent de travers. C’est quoi le problème ? J’ai rapidement la réponse dès le lendemain au petit déjeuner à cause de Clara qui  prend un malin plaisir à humilier « Ghost », sa voisine de table qui part s’isoler sans un mot dans un coin de la salle commune.
    Je dévisage l’intéressée à la dérobée, c’est la fille d’hier soir. Elle est étrange mais elle ne ferait pas de mal à une mouche. Et plus important encore, au moment où nos regards se croisent je redescends de la quatrième dimension en vol direct. Je me sens tellement mal à l’aise que je préfère me conformer au comportement de la majorité à son égard. Cependant j’ai un pincement au cœur lorsque je constate qu’elle est carrément mise explicitement à l’écart par les éducateurs eux-mêmes qui semblent désespérés de son absence quasi-totale de sociabilité.
    Et c’est ainsi que je me fais tout bonnement renvoyer du foyer une semaine plus tard pour avoir voulu foutre un coup de poing dans la figure d’un résident échevelé qui voulait abuser de sa faiblesse au lit.
    Je suis désormais à la rue et je fais avec. Je n’aurais jamais envisagé que ma gentillesse naturelle pouvait me jouer des tours…
     
    Soufflée je ne prononce pas un mot à la lecture de ce journal intime de fortune.
    Sol se tourne vers moi :
    - Devrais-je aussi le faire lire à Clara ?
    Je gardais le silence un moment avant de répondre que non.
    Assommée je sortis dans le hall prendre l’air. Quelques résidents intrigués me regardèrent me mouvoir comme un automate en direction du réfectoire. Il n’y avait plus personne. Jovovich, un étudiant en langues étrangères appliquées biélorusse et fauché me lança :
    - Clara et les autres sont partis fumer une clope dans le coin.
    - Merci Jo, répondis-je laconiquement.
    Je sortis sur le boulevard et jetai un regard circulaire autour de moi. Personne.
    - Qu’est ce qu’il lui prend tout à coup ? s’enquit Jovovich auprès de Sol qui accourut pour m’accompagner.
    - L’amour mon pote, le cœur a ses raisons que la raison ignore.
    Il me guida vers la station de métro à l’air libre où tout le monde avait l’habitude de se retrouver pour fumer la clope de l’amitié après le déjeuner.

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  • Sur les recommandations appuyées de Phantom, je descendis le long de l’escalier de service qui ne devait plus être utilisé depuis des années tant il était en piteux état : il manquait des marches et certaines étaient inégales. La porte de service rouillée et piquetée s’ouvrit avec difficulté dans des cliquetis grinçants.  Elle menait sur une minuscule courette étrangère aux rayons du soleil qui avait dû appartenir à une concierge dont l’antique guérite semblait abandonnée avec une déco défraîchie du début du siècle. C’était sale et lugubre à l’intérieur et même un grand ménage de printemps n’aurait pas suffi pour la remettre en état. Mais c’était mieux que rien car elle était par ailleurs assez grande avec de quoi retaper une pièce à vivre convenable et une minuscule salle de bain.
    J’entamais le travail colossal à accomplir par un ménage sommaire, nécessaire pour ne pas passer la nuit enchevêtrée dans les toiles d’araignée et la poussière, puis remis en cause la disposition des meubles qui étaient quasiment tous à remplacer tellement ils étaient anciens.
    Heureusement il y avait l’électricité et l’eau courante. En fouillant dans le coin kitchenette je trouvais un assortiment hétéroclite de vaisselle usuelle.
    Au bout d’une heure de labeur, je décidais que je devais prendre une pause et je découvris à cette occasion que la courette était connectée par un porche écaillé à la rue, donc je ne risquais pas de croiser Clara par inadvertance.
    Il était plus de vingt heures et les autres n’étaient toujours pas rentrés.
    Seule au milieu du hall, debout dans les derniers rayons rouges du soleil je ressentis plus vivement, plus douloureusement que jamais le poids de la solitude.
    J’eus envie de hurler, de pleurer mais aucun son ne franchit mes lèvres. Muette et immobile je fus transformée par la nuit tombante en un être fantomatique, hors du temps et de  l’espace.
    Ombre de moi-même, je me mis lentement en mouvement et passais la porte coulissante du réfectoire. Comme si je m’y attendais depuis toujours, je découvris mes affaires rapidement empaquetées sur le bord de la table. Atterrée je me laissai tomber sur la chaise la plus proche et éclatais en sanglots.
    Le silence me réconforta.
     
    L’été touchait à sa fin, les feuilles avaient déjà commencé à se colorer de rouge lorsque le mois de septembre arriva avec son lot de surprises, de déceptions et de contraintes.
    Ma vie bascula le soir du 26 août, quelques jours avant la rentrée des classes et peu de temps après mon dixième anniversaire. La soirée avait bien commencé, comme tous les ans Papa et Maman avaient tenu à célébrer la fin des vacances chez leurs amis d’enfance communs, les Hive.
    Le pastis coulait à flots et la conversation allait bon train mais moi bien entendu je m’ennuyais à en compter inlassablement les pétales des marguerites du jardin si bien entretenu par Mrs. Hive.
    Bah à part moi il n’y avait pas d’autre enfant à table soit dit en passant. Mais c’est qu’à l’époque aucun d’eux ne se serait risqué à parler de ce qu’il s’était passé devant moi. Je n’allais l’apprendre que deux ans plus tard, embusquée du haut de mes douze ans dans le chambranle de la porte menant à la cuisine, à la fois intriguée et effrayée de constater que les disputes entre mes parents étaient de plus en fréquentes et de plus en plus violentes et qu’ils s’apprêtaient à divorcer.
    Je sentais le poids d’un lourd secret plomber l’atmosphère mais à entendre leurs échanges verbaux passablement injurieux je n’osais plus faire un geste ni même respirer
    Tout ce que je tenais pour acquis était que depuis deux ans déjà, les traditionnelles soirées du 26 août n’avaient plus lieu.
    La dernière en date, celle dont je me souviens le plus vaguement évoquée plus haut, s’acheva dans un climat des plus houleux. Nous partîmes plus tôt que prévu et le voyage du retour fut tendu et silencieux contrairement aux trajets enjoués des années précédentes rythmés par les disques de jazz que Maman affectionnait tout particulièrement.
    On ne revint jamais dans la belle villa phocéenne nichée entre terre et mer des Hive.
     
    A ce stade je posais mon crayon, car écrire ces lignes avait fait remonter à la surface le souvenir douloureux de mon arrivée au foyer. Le blog pouvait attendre encore un peu, je tombais de sommeil.
    De plus chaque mot arraché à cette période douloureuse de mon enfance réactivait et aggravait la douleur qui avait définitivement élu domicile au plus profond de moi-même, hors d’atteinte.
    Quoi, encore elle ? Pourquoi me sentis-je coupable au moment de refermer mon précieux carnet où je voyais mes textes s’épanouir ? Je n’en avais pas le début d’une idée. Ma vie était pourtant devenue supportable depuis que j’avais quitté le foyer.
    J’avais la vague intuition que la réponse se trouvait quelque part entre les murs délabrés du Radeau mais je ne savais absolument pas par où commencer mon investigation.
    Je m’endormis comme une masse sur ces entrefaites. Mon inconscient prit le relais et ma nuit fut agitée, entrecoupée de rêves étranges remplis d’abeilles, d’êtres fantomatiques et de cornets de glace au kiwi.
     
    Le lendemain, aussi réveillée, fraîche et dispos qu’une junkie qui aurait passé la nuit en boîte je vins jusqu’au réfectoire me préparer un petit déjeuner digne de ce nom. A ma grande surprise j’étais presque la seule à me réveiller si tôt. A part moi seul Sol et quelques locataires (qui eux rentraient bien d’une soirée un peu trop arrosée)  lorgnaient d’un œil très vaguement intéressé le vieux téléviseur de la cuisine qui diffusait les dernières nouvelles du matin. Comme d’habitude mixez dix grammes de glauque avec une pincée de meurtres et délits en tous genres, ajoutez y quelques gouttes de pluie, un rayon de soleil et une demi douzaine de prévisions astrologiques et votre journal matinal est prêt, bon visionnage !
    J’avais la cafetière dans une main, la boîte de Nescafé instantané dans l’autre lorsque j’entendis le journaliste prononcer le nom des Hive et des Farewell au cours du même reportage. Mon cœur rata un battement, je posais mon barda sur le plan de travail et m’approchais du téléviseur, nerveuse :
    -  …Le dernier rebondissement en date du feuilleton judiciaire le plus scandaleux du moment s’est soldé par la condamnation de Mr. Farewell accusé de violences conjugales, rappelez-vous. Mais de nouveaux éléments viennent étayer l’enquête encore ouverte à ce jour pour déterminer les raisons d’un tel comportement qui semblait avoir totalement disparu de nos jours avec le tournant que prend l’évolution des mœurs concernant les droits de la femme …
    - Augmente le volume s’il te plaît Sol ! Fis-je en me raclant la gorge, gardant difficilement mon calme.
    - Tout de suite, Brigitte, marmonna-t-il d’une voix pâteuse, la voix de celui qui n’avait pas encore eu le temps de dessouler complètement depuis la veille.
    -  … Il paraît que Mrs. Hive aurait témoigné en faveur de la victime en révélant aux jurés que celle-ci aurait accouché d’un premier enfant que ni son mari ni sa famille n’ont voulu reconnaître …
    C’était comme si un seau d’eau glacée venait de me tomber sur la tête. Choquée j’en étais tétanisée à l’idée que je m’étais bercée d’illusions. Les soirées du 26 août n’avaient finalement été qu’une mascarade pour sauver les apparences. Derrière l’ambiance joyeuse et festive qui les caractérisait se cachait en réalité le secret inavouable d’une naissance illégitime, trop lourd à porter.
    Pourquoi me sentis-je autant concernée tout à coup ? Après tout cela faisait des années depuis que j’avais coupé définitivement les ponts avec tout ce qui avait trait, de près ou de loin, à ma famille.
     
    En rénovant mon nouveau chez moi, je cogitai toute la journée. Retranchée dans mes pensées, je me sentis tout à coup soulagée de pouvoir me déconnecter du monde extérieur pour un moment.
    Je ne vis pas passer la matinée et midi arriva en un clin d’œil.  A l’idée d’affronter Clara et de me faire définitivement jeter à la rue comme une malpropre je préférais déjeuner seule.
    Je vidais les placards : que des conserves périmées aux étiquettes effacées par le temps.
    Un instant l’idée d’aller m’acheter un sandwich et un Coca à la boulangerie d’en face m’effleura l’esprit mais je me ressaisis promptement : ce n’est pas Clara qui allait imposer sa loi ici puisque nous étions une communauté. Prenant malgré tout mon courage à deux mains avec le peu de confiance en moi et la bonne humeur qu’il me restait, je revins vers la civilisation.
     
    Lorsque la porte du réfectoire coulissa tous les regards se tournèrent vers moi. Des murmures parcourent l’assemblée et des fous rires fusèrent. Je regrettais aussitôt d’être venue, avais je réellement ma place dans cette auberge espagnole ?
    - Je vais repartir si c’est ce que vous attendez de moi ! De toute façon je n’arrive jamais à me faire ma place où que ce soit…
    En colère contre moi-même pour ne pas oser faire face, je tournais les talons lorsque Sol prit la parole en premier :
    - Moi je te fais confiance, je crois en toi. N’oublie pas que tu as vécu longtemps en foyer ce n’est pas possible de se reconstruire en un clin d’œil. Il te faudra du temps mais tu as le potentiel pour devenir une femme formidable tu sais, donc ne te décourage pas.
    - Je n’ai pas de passion, je n’ai pas de boulot encore moins des amis sur qui compter et de quoi me loger décemment et tu me demandes de continuer à y croire ?! J’en suis… psychologiquement incapable Sol. Si j’avais eu une enfance heureuse je pourrais seulement commencer à envisager les choses sous cet angle mais ce n’est absolument pas le cas. En six ans j’ai tout perdu : ma jeunesse, mon innocence, ma famille, les doux étés à Marseille au cœur des calanques avec leurs lots de petits bonheurs tout simples. Et par-dessus le marché, c’est à cause d’un flash d’informations glauque par un matin de printemps glacial que j’apprends l’existence d’un grand frère inconnu, secret de famille dont mes parents ne se sont pas vantés. Et tu dis que je devrais me calmer et me contenter de vivre ma vie comme je peux ?!
    Je sentis aussitôt que j’avais parlé trop vite : ma confession jeta un froid.
    - C’est ton père qui est passé au journal ce matin ?
    - … Oui.
    - Je vois…
    Il serra les poings, sa lèvre inférieure se mit à trembler :
    - Qu’est ce qui ne va pas ?
    - Je ne sais pas ce qui me retient… Il faut que je garde mon calme…
    - Relax, Sun elle ne sait pas ce qu’elle dit, la pauvre elle se sent toujours obligée de pleurer sur l’épaule de quelqu’un, intervint Clara.
    - Tu vas la boucler ? Siffla Sol en la fusillant du regard. C’est principalement à cause de toi qu’elle souffre il me semble, ce n’est pas de pitié dont elle a besoin mais d’amitié et de soutien!
    Je m’emporte assez facilement j’admets mais tu dépasses les bornes à vouloir constamment la rabaisser aux yeux des autres. Globalement tu es peut-être mieux lotie qu’elle mais tu es surtout pathétique à te raccrocher à votre histoire de rivalité pour vivre !
    - Personne ne m’a jamais parlé comme ça… Je ne te permets pas de te mêler de nos affaires, c’est des trucs de femme !
    - T’apprendrais que ta mère a abandonné à la naissance un grand frère que tu ne connaitras jamais, des années plus tard tes parents divorcent parce que ton père se rendrait coupable de violences conjugales répétées et toi tu échouerais dans un foyer sordide, six ans plus tard tu aurais la chance de recommencer une vie normale et heureuse à tout point de vue mais ta rivale de toujours ferait n’importe quoi pour te mettre des bâtons dans les roues, comment réagirais-tu ?
    - C’est faux…
    - Ne te cherche pas de fausses excuses. Elle n’est pas la seule à souffrir de tes conneries ici… dit-il en laissant volontairement sa phrase en suspens.
    - Sois direct, joue pas aux devinettes, rétorqua-t-elle, sur la défensive.
    - Pour nous tous le Radeau est comme une deuxième famille. Il nous a tous offert une seconde chance. Ici chacun porte le poids d’une adolescence plus ou moins difficile et pourtant notre amitié et notre esprit d’équipe sont inébranlables. Car nous sommes liés par un seul et même espoir celui de revenir à la vie. Mais tout cela n’est qu’une question d’équilibre : si par malheur des rivalités durables s’installaient entre nous tout le Radeau en pâtirait et s’écroulerait comme un château de cartes.
    - Que veux-tu, on est amoureuses du même mec !
    - Va falloir vous entendre parce que l’une de vous va devoir faire des concessions lorsqu’elle apprendra la vérité et je parle de Luna…
    - Moi ?!? M’exclamais-je, stupéfaite. Pourquoi ?
    - Ton existence n’a été jusque là qu’un puzzle dont tu dois trouver la pièce manquante; après tout n’est ce pas devenir adulte que de se connaître soi-même ?
    J’avais entendu ce discours un nombre de fois incalculable mais il ne résonna réellement en moi qu’en cet instant.

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  • Every day Sam Suung wakes up at noon to go to the office before the global warming increase the heat so much that you can't go out properly because of the stifling atmosphere: ten years ago a solar storm has almost desstroyed life on earth and mankind was forced to live six feet underseas where people could find a new home to restart everything.
    Sam Suung has been living since then with her boyfriend Nokira who is  weirdly acting as if he was her brother; both of them had lost everything they had and everyone they loved when they struggled to get in Society, the capital city of the brand new world the governement had built underseas. They live in a quite well equiped small house, located near the city heart.
    Sam works as a daily journalist for the worldwide TV channel and newspaper New World Telegraph that relays latest information about lasting development policies and earth's evolution. Unlike Nokira she is rather lucky, brought up in a family of intellectuals: her friend had poor school results which unabled him to get great job opportunities and let him to work for the governement as an odd jobber.
    Sam Suung caught up the aerobus to go straight and fast to the office: her boss couldn't bear lazy belated employees.
    At 8 she was already sit behind her desk, trying to finish a bunch of articles about recent environment measures taken by the government.
    As usual she felt bored because the channel and the newspaper were controlled, sometimes censured before being broadcasted and published. Obviously she couldn't talk about the Traumatism and its sequels or even criticize politics such as the scandalous Amnesia program.
    While she was typing the last article someone knocked loudly at the door:
    - Come in.
    Al Cartel, her mid-aged boss, entered seemingly angry:
    -You were supposed to give me the articles yesterday so that they were sent to the governement to be checked. Not to mention that they are always subversive and more often since a few weeks I don't get the authorizations to publish them, are you really unable to write more neutral ones?
    - I can't let go of the feeling that the sytem has turned out to become kinda dictatorship...
    - Don't pronounce such extreme words, the New World Telegraph may be cancelled if "they" eaverdrop. It's unlikely I'd tend to consider your ideas as dangerous but you're dismissed from now on for the sake of the whole company. Please leave as soon as possible, I'm not joking.
    - This was planned for long, wasn't it?
    - It was your last chance, I'm going to hire Maa Kintoche a famous journalist who has opportunities to become an Official so he should be more reliable.
    - Nice to meet you Mr.Al Cartel intervene a soft voice from the door.
    - Good morning, what a relief you're on time.
    A handsome young man, neatly dressed entered:
    - Wh-What the...?! Is it him?
    Sam Suung was nervous: she thought she had most likely met him in the past but where and when? She glanced at his deep green eyes and red short hair, puzzled by the feeling of safety that reached suddenly her heart:
    - Who is she? What's the problem with her? Maa Kintoche asked. Nice to meet you, though he said to Sam Suung with a gentle smile.
    - I... I don't know! Al Cartel exclaimed in panic.
    While Maa Kintoche was wandering around, Al Cartel pushed away Sam Suung in the corridor:
    - How can you dare... Who do you think you are? You were talking to a would-be Official! If I were in your shoes I'd apologize properly to him.
    - No matter it's nothing, really... nothing. Anyways I'm leaving.
    - Wait a minute!
    Surprised both of them turned their looks to Maa Kintoche leaned against the threshold:
    - I can't remember but I'm sure we already met in the past he said meanwhile putting something strange, round and smooth in the girl's pocket as she entered the rooom to pick up her things. "Good luck" he whispered in her left ear in order to be listened only by her.
     
    - What a jerk! How can he dismiss you so suddenly although we can't make ends meet ?! Nokira inquired.
    - I'm sorry it's all by my fault, he used to have issues with the government who judged my articles too subversive.
    Nokira looked strongly at his girlfriend for a moment before answering:
    - You...
     
    Maa Kintoche was cleaning and tiding his new workplace when he found suddenly a few photographs hid in a folder left behind by his predecessor. He couldn't help but to look at them, intrigued by the fact Sam Suung could have forgotten so private and precious things such as her memories behind without noticing.
    There was various ones showing her alone as a child, with a hazel-eyed ordinary young man or sometimes with him and a mysterious mid-aged guy who was surely "Sempai" the leader of the Lonesome movement: somehow the three of them looked like a family. Maa Kintoche felt unexpectly sad, tears climbed over his cheeks when he stared at Sam Suung in her child self: was it because they shared the same characsteristics or because she didn't look straight at the camera lens not smiling with ghostly eyes?
    According to him the second reason was far more realistic, she was probably caught up in the middle of a move but soon he stated that it was not sadness but guiltiness that had driven him so depressed.
    - Have you finished settling? I need a series of articles about the recent sustainable development policies tomorrow on my desk.
    - I will work hard to fulfill my goals but may you allow me to leave work sooner this afternoon? I've forgotten I had an appointment with someone important to me to... let me attend the Exam.
    - I hope it's not a lie otherwise you can go and never come back. The New World Telegraph won't be able to handle such a lost of time and benefit! See you later...
    Maa Kintoche didn't wait until he would have changed his mind, turned off his computer meanwhile gathering his things and the photographs in his bag and left quickly.
     
    Sam Suung was preparing dinner when the doorbell rang loudly. Nokira was supposed to work late until nightfall so she wasn't waiting for anyone else. She wondered if nothing bad had happened to him while walking to the door. She was surprised, almost frightened when the camera lens showed her Maa Kintoche's face. She thought she wasn't forced to open her door to him but his quiet smile was awhile friendly and reassurant.
    - What's up? she asked politely welcoming him in the living room with some refreshing orange juice (he dislikes alcohol)
    - Sorry for probably disturbing you but you've forgotten these...
    He gave her the photographs: she was shocked, took them away his hands and put it in a safe.
    - Did you look at them?
    - Yes... I did.
    - Will you keep the secret?
    - Why such a question?
    - As you may know the men in most of them are my boyfirend Nokira and Sempai the Lonesome movement's leader.
    - Alright I...
    The doorbell rang again interrupting him.
    - Who is it? Sam Suung inquired.
    - Hello it's Sempai, is Nokira back from work? We have to talk together in private for a moment.
    - He will arrive soon, come in.
    The door slid at the minute she pushed away Maa Kintoche in the kitchen and arranged the living room in a rush. Sempai entered, looked around briefly to check the cameras and the microphones:
    - Seems like we can freely talk but can you guarantee me no one would spy this conversation?
    - I assume there isn't any Official living around here. Do you want something to drink? Wine? Beer?
    - Only a glass of water please, I don't drink alcohol during daytime.
    - Alright wait here I would feel ashame if you see the amount of dishes I don't finish to wash up yet.
    He sat down in the sofa reading his mailbox. Sam Suung hed to the kitchen; given that the back door was open she guessed Maa Kintoche had left.
    - What's your business with Nokira?
    - How should I put it? First of all what do you know about the Intellect class?
    - Only what everyone knows: they are intellectuals persecuted by the government, strongly opposed to the system. It's the Wonderland family who leads the uprising. Am I right?
    Sempai glanced at her, reflecting on how to make his answer to be proper and honest at the same time. A smile pierced his impassive face:
    - Say me what you remember of your previous life and I may tell you who you are...
    For the third time the doorbell rang and Sempai stood up steadily:
    - I have to leave for now someone would have followed me. I will phone Nokira, join us as soon as you can at the headquarter. This house is no longer safe.

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